Les doutes d'une doula...
Parfois, je me demande si je suis à ma place. Est-ce que le soutien que je tente d'apporter aux parents accompagnés leur convient? Est ce que je suis dans le juste ou complètement à coté de la plaque? Est ce qu'être doula est ma place?
Chaque fois, chaque nouvel accompagnement, chaque rendez vous, je me remets en question. Aurais-je du dire ceci, aurais-je du taire cela... Quel est le bénéfice pour ces mères, ces pères en face de moi....
C'est si difficile quand on travaille dans l'humain, dans le soutien émotionnel de savoir si on fait comme il faut pour CES personnes là, que souvent je me sens perdue. Pas lors des rendez vous, mais seule, après. Et souvent, la remise en question vient après une naissance. Surtout quand elle ne s'est pas déroulée comme la famille l'aurait souhaitée. Jamais je ne me pose la question de savoir ce que moi j'aurais choisi ou fait en tant que mère, car ce n'est pas mon histoire et je sais que leurs décisions de parents sont justes et bonnes pour eux. J'ai toujours toute confiance dans ces parents accompagnés. C'est parfois en moi que je manque de confiance, j'ai si peur de mal faire.
La grossesse, la naissance, ce sont des moments intimes, initiatiques et uniques. On ne peut pas faire un retour rapide pour recommencer, la rencontre avec son enfant, la vraie, elle n'a lieu qu'une fois. Alors, je n'ai pas le droit à l'erreur dans le soutien que je tente d'apporter.
Et la place que je prends, ou plutôt, celle qu'on m'accorde lors des accouchements est décisive. Si l'équipe médicale m'est hostile, n'est ce pas préférable que je me retire, de manière à éviter aux parents le climat de stress ?
En même temps, pourquoi devrait-on se trouver dans cette tension nerveuse? Je ne suis pas là pour prendre la place des merveilleuses sages femmes, elles font un travail extraordinaire, dans un contexte souvent très difficile, avec des conditions de travail exténuantes. Le but, c'est toujours de travailler ensembles, main dans la main pour ce couple qui va rencontrer son enfant et devenir une famille. Alors, comment trouver sa place quand on ne souhaite pas nous la donner, quand ceux avec qui on devrait oeuvrer ne veulent pas de nous ?
Bien sur, ce n'est pas toujours le cas, parfois, des équipes nous sont favorables, comprenant que nous ne sommes pas en compétition mais bien en complémentarité. Mais même à ce moment, est ce que je fais bien? Mes gestes sont-ils justes ? Le père est-il satisfait de ce que je tente de lui transmettre pour qu’il soutienne sa femme ? Est-ce que j’arrive à aider ces parents à se sentir acteurs de cette naissance ?
Souvent, je demande aux parents leurs impressions, mais j’ai parfois la sensation que me dire les points négatifs leur est difficile. Alors, parents accompagnés, si vous me lisez, n’hésitez jamais car vos critiques nous permettent d’avancer dans notre pratique…
Aujourd’hui était une journée de questionnement. Parfois cela fait du bien, ça me permet aussi de dresser un bilan de mon chemin de doula, qui est aussi un chemin de vie. Une doula, c’est aussi ça je pense : se remettre sans cesse en question et ne jamais tenir sa place pour acquise. Je ne sais pas combien de temps je continuerais à être doula. Mais le jour ou je ne me poserais plus aucune question, je crois que j’arrêterais car j’aurais perdu l’étincelle, la passion et l’amour de ce métier. Le jour ou je ne me demanderais plus si je suis une bonne doula, c'est que je ne serais plus doula...