Deuil Périnatal: le témoignage d'Alexandra
Merci à vous toutes de lire et de témoigner sur ce sujet toujours tabou, généralement incompris que'est le deuil périnatal.
Alexandra est maman d'une adorable petite puce de 2 ans, mais avant l'arrivée de sa fille, elle a vécu une grossesse extra-utérine (GEU). Une grossesse de ce type est, d'une part, toujours vouée à la perte du bébé, l'oeuf se développant dans la trompe, et non pas dans l'utérus, mais cela peut en plus extrêmement mal se terminer physiquement pour la maman. La trompe peut éclater, on peut donc être obligée de s'en séparer, les complications peuvenet même aller jusqu'à l'hémorragie interne de la mère, voir pour certains cas, extrèmement rare (un décès par an en France, mais c'est un de trop), à sa mort.
Au delà des statistiques, il y a le grand sentiement de culpabilité qu'on retrouve dans la plupart des deuils périnatales, auquel vient s'ajouter le sentiment d'être diminuée, de ne plus être femme, si la mère a perdu une trompe.
Ce n'est pas le cas d'Alexandra, mais sa souffrance n'en est pas moins réelle et la culpabilité bien présente.
Comme souvent, sa lettre est adressée à son bébé parti trop tôt.
3 ans d'attente, 3 ans a esperer que tu viennes de facon naturelle...3 longues annees. Et puis ce jour de decembre le test fut enfin positif. Mais il y a ces saignements, legers, mais presents.
Le rendez vous a l'hopital pour un test sanguin...positif. Ton pere et moi sommes aux anges. Tu a au moins 3 semaines, on me fais une echographie mais on ne te vois pas, mais tu es encore si minuscule. Mais il y a ces legers saignements.
Un deuxieme test est prevu pour voir l'evolution des hormones...et puis le verdict tombe de la bouche d'une gyneco insensible, abrupte et glacee. Grossesse non evolutive. On me fait une ordonnance pour une IMG.
Ton pere n'est pas la, il travaille loin. Je suis choquee, je ne sais pas quoi dire, je ne dis rien, je suis automatiquement cette infirmiere qui me tend une pilule, jaune je crois, je ne sais plus. L'infirmiere est froide, dedaigneuse...c'est une IMG pas une IVG. J'ai besoin de soutien mais je ne recois rien.
On me dit de rentrer chez moi et de revenir plus tard.
Rien ne se passe, je dois retourner a l'hopital, je ne me souviens plus des delais je me sens seule, perdue, j'ai peur, j'ai mal, j'ai besoin d'aide morale mais je n'ai personne. Ils sont tous loin et j'ai besoin de bras autour de moi.
Le jour du rendez vous il a neige, les routes ne sont pas deblayees et ma voiture ne demarre pas, je suis obligee d'appeler une ambulance pour qu'on m'emmene.
J'arrive a l'hopital mais je ne me souviens plus de ce qui se passe, tout est flou, comme si mon ame ne voulais pas se souvenir.
Je me revois sur le lit d'hopital, on me tend un bassin en me disant de le mettre sous moi lorsque je ressent le besoin d'aller au toilette. J'ai mal, des crampes, je ne sais meme pas si tu vis encore ou si ton petit corps est inerte. Je demande quelque chose pour les crampes et on me repond que je ne peux rien avoir. Je me sens si seule.
Tu ne sors pas de moi, alors on me renvoie chez moi en me disant de surveiller. Tu ne sembles pas vouloir me quitter ou je ne veux pas te laisser partir. Je ne sais pas.
Ton pere doit rentrer demain. J'ai mal.
Toujours rien le jour suivant, mis a part des douleurs et des saignements. Je prend des anti douleurs mais ca ne fait rien. Il est 1 heure du matin et je suis a l'agonie. Enfin a deux heures ton pere arrive. Je lui dit de m'emmener aux urgences.
La gyneco de garde est appelee, c'est une grossesse extra uterine, tu t'es love dans ma trompe gauche. Je dois etre operee en urgence.
Il fais si froid dans cet hopital. Ton pere est mort de peur.
C'est la premiere fois que je me fais operer.
Je me reveille avec l'air de thierry la fronde dans la tete. Je ne sais pas pourquoi. On me remonte, tu es parti.
J'apprendrais plus tard que ta progression a ete stoppee par des nodules dans ma trompe dus a une infection.
Mon corps t'as tue par son imperfection.
Mes parents et ton pere souffrent, alors je ne dis rien pour ne pas les faire souffrir davantage. Des autres je ne recois aucun soutien. J'en aurais d'autres. C'etait une grossesse tres jeune.
Oui mais tu a pris tellement de temps a venir en moi. Oui mais je te voulais toi aussi.
Et puis on en parle pas, ca les derange, je le sens, ils coupent court a la conversation, changent de sujets.
Mais j'ai besoin d'en parler moi, parce que je souffre de la culpabilite de t'avoir tue, parce que je souffre que tu ne sois plus en moi, parce que je souffre de ne pas t'avoir senti grandir en moi, parce que je souffre de ne pas t'avoir vu pour te dire au revoir.
Je suis sure que tu etais un petit garcon, je le sens. Je t'aime mon bebe, je t'aimerais toujours.
Aujourd'hui ta soeur est parmis nous. Elle est arrivee deux ans apres toi, a la meme epoque, fin decembre. Elle a eu la chance de choisir l'autre trompe, mais j'ai eu la peur au ventre pendant de longues semaines, jusqu'a la premiere echographie, celle ou je l'ai vue dans mon uterus. Sa vie in utero et sa naissance m'ont apporte un bonheur incommensurable, mais ont aussi fait remonter la douleur de ne pas avoir connu ca avec toi.
Tu me manques.
Une voyante a parle a ton pere avant la venue de ta soeur. Ton grand pere est venu a elle avec deux bebes, un qui n'etais pas ne, l'autre qui etais parti...Elle ne connaissais rien de notre histoire. Tu es avec lui, la haut et je sais qu'il prend soin de toi. J'ai appris que ta soeur etait en moi 2 semaines plus tard.
Je t'aime!
Ta maman.
Alexandra