Deuil Perinatal: le témoignage d'Emilie
J'ai reçu, suite à mon propre témoignage, le mail d'Emilie, qui a subi une interruption volontaire de grossesse (IVG) il y a quelques années. Sa souffrance était boulversante. Décider d'un IVG, c'est bien souvent faire aussi un acte d'amour pour ce bébé, et c'est fait dans la douleur. Le deuil est là encore très difficile, car en plus, le regard des gens est frequemment accusateur.
Elle a accepté que jepublie son mail, en guise de témoignage. Les mots qu'elle emploie pour parler d'elle sont terribles, je lui souhaite beaucoup de courage pour se reconstruire...
Je me sens coupable d'une ivg depuis maintenant 4 ans et cela me hante tous les jours et toutes les nuits. Je suis tombée enceinte à l'âge de 17 ans, me sentant complétement paniquée, j'ai opté pour cet avortement, par peur du regard des mes parents, de mes amis, et le "papa" ne se sentait pas prêt même si nous en avons beaucoup discuté. Lui avait 18 ans, et nous étions encore que des enfants... Je ne me suis pas rendue compte de ce que je faisais, je culpabilisais et était complétement perdue.
Je suis issue d'une famille où il faut toujours paraître bien, en pleine forme et rien de travers qui pourrait obscurir l'image de famille même si je suis excessivement proche de mes parents. Je crois que j'avais aussi peur qu'ils comprennent que j'étais devenue une femme... J'ai donc subi une ivg, et aujourd'hui je rêve toutes les nuits d'une petite fille qui m'appelle pour que je vienne la chercher, je m'en veux chaque jour, j'y pense chaque jour en me levant et en me couchant... Je regrette ce que j'ai fait même si j'ai aussi pensé à cet enfant qui serait venu au monde sans même pouvoir lui offrir un avenir...
Deux jours après avoir subi cette ivg, j'ai craché le morceau à mes parents me sentant mal... Ils ont très vite compris ma douleur et m'ont dit qu'ils auraient été là et m'auraient soutenu quelle que soit ma décision. Ils m'aident tous les jours à aller mieux, surtout ma maman qui culpabilise de n'avoir rien vu.
Ajourd'hui je suis toujours avec le "papa", et on s'engueule beaucoup par rapport à ça, je lui repproche sans arrêt, alors que cette décision à été prise à deux... Ma libido a complétement chuté, les rapports ne sont presque plus possibles, des douleurs atroces au niveau du périné, selon ma gynéco cela n'est QUE psychologique. J'essaie par tous les moyens de tourner la page et d'avancer sans oublier, mais je n'y arrive pas.
Je n'ai pas fait le deuil de cet enfant et pourtant c'est moi qui l'ait tué. Je me sens comme une criminel, je n'en parle pas à mon entourage par peur du jugement, je me vois comme une mauvaise personne. Je me permet de te raconter mon histoire car je sais que toi tu ne me jugeras pas et que tu comprendras ma douleur. Aujourd'hui si c'était à refaire je garderais mon bébé. Il me manque tellement, c'est une partie de moi, je le sentais.
J'avais des nausées tous les matins, et ce bébé m'a réconcilié avec les fruits de mer, chose que je n'arrivais pas à manger avant lui, j'avais des envies, les vrais symptomes d'une femme enceinte.
Je pense sans cesse au projet que nous avons d'avoir un bébé, un second bébé car pour moi il y a eu un premier et j'ai peur d'en vouloir à ce second...
Je suis horrible, je suis atroce mais il y a une réelle douleur en moi. Avec ton article j'ai senti que je pouvais venir t'en parler, j'ai senti comme une porte entre-ouverte, une main qui pourrait m'aider à aller mieux... Je ne souhaite pas faire part de mon témoignage sur ton blog, du moins pas avec mon pseudo, j'ai toujours peur de ce fameux jugement, car moi-même je me vois comme une criminel. Je te remercie du fond du coeur de l'aide que tu as pu me fournir rien qu'en me laissant vider mon sac... J'éspère ne pas t'avoir embêté avec mon histoire...
Emilie